Frontière entre érotisme et pornographie dans la littérature

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Selon moi, toute la finesse du désir réside dans le suggestif. La véritable séduction consiste à le susciter avec discrétion et doigté, à dose homéopathique. La différence entre l’érotique et le pornographique est que le premier excite l’émotionnel et provoque le désir et que le second déclenche l’instinct bestial.

Les scènes de sexe Ikea, vous connaissez ?

C’est quand unx auteurice décrit l’action sans descriptions de l’environnement et sans ressentis.

Exemple :

Iel embrassa son vis-à-vis avec la langue et défit la fermeture de son pantalon. Iel commença les caresses et entraîna l’autre avec lui vers le lit. Iels se chevauchèrent avec frénésie… blablabla.

Vous voyez le genre ? On dirait un mode d’emploi. Ou c’est comme si on matait un porno. Alors, si en plus le consentement n’est pas explicite…

J’ai déjà retrouvé dans des histoires un homme cisgenre hétérosexuel qui force la femme, mais après finalement, « elle a bien aimé ».

Alors, ça passe ou ça ne passe pas ?

C’est le modèle qu’on nous a inculqué depuis des décennies en réalité. Prenez Han Solo et la princesse Leïa dans Star Wars. Au début, elle n’est pas trop OK hein. Mais après, ce n’était pas si mal.

Mais quand elle dit « Je vous aime. » et qu’il répond « Je sais. », ça va, mec ?

Eh bien, moi, je ne voyais pas le problème à l’époque. Encore que, du coup, c’est gentillet. Mais j’ai lu de ces trucs… La femme, un réel objet. Quand je lis un enchaînement de phrases qui décrivent ce que font les personnages pendant qu’iels baisent (le sexe Ikea), j’appelle ça du porno.

La frontière entre érotisme et pornographie peut parfois être très mince. Et cela dépend aussi du ressenti de chacun. Érotisme ne signifie pas forcément excitation chez les lecteurices. Certain.es y seront sensibles, d’autres non. Mais la principale différence réside tout de même dans la présence ou non de récit. Si, en enlevant les scènes de sexe, l’histoire devient inintéressante, car sans fond, alors on touche à la pornographie, le texte ayant pour objectif d’exciter, comme le porno.

Dans l’érotisme, il y a une histoire, une montée de tension, on ressent le désir au fur et à mesure entre les deux personnages durant la lecture, c’est esthétique. La pornographie en est dépourvue. Droit au but !

Mais tout est toujours question de subjectivité, car un récit avec une histoire de fond peut employer des mots crus et parfois obscènes (ou juste les « vrais » mots) que certainx lecteurices qualifieront de porno.

Crédit : La moustache de la dame

Pourquoi j’ai dû arrêter de lire un roman d’amour érotique libertin

TW : mention de v*ol et de non-consentement

Tout un programme. Enfin, sur le papier.

Parce que, clairement, la frontière entre l’érotisme et la pornographie est parfois mince. Et j’ai presque malheureusement envie de dire, encore plus quand la personne qui écrit est… un homme. De la génération male gaze. Parce que j’ai lu des histoires avec de l’érotisme écrites par des hommes, et il y avait beaucoup de bienveillance.

Mais là… le choc a été brutal. L’impression d’être dans un fantasme d’homme en manque. Ou dans le visionnage d’un porno.

Je lis de tout, et oui, je lis de l’érotisme. J’aime ça. D’ailleurs, j’aime aussi en écrire, avec des scènes détaillées et les vrais mots.

J’aime lire des histoires avec des scènes plus ou moins épicées. Ça ne me dérange pas qu’il n’y ait qu’une suggestion de l’acte, ou juste la mention que les deux personnages vont faire des choses intimes, comme ça ne me dérange pas que l’acte soit très détaillé, tant que c’est bien fait, avec des ressentis, et pas juste de l’empilage. Non aux « iel met sa main ici, iel touche cela, iel fait ceci, iel fait cela ». On n’est pas dans un mode d’emploi Ikea.

Moi-même, je mets de l’érotisme, souvent détaillé, dans mes histoires. 

Mais quand il y a un problème de consentement dans chaque scène érotique, cela commence à poser un problème.

Quand certaines descriptions sont à gerber, ça ne va pas.

Quand il y a des pages et des pages de détails d’une scène violente qui, pour moi, n’a rien d’érotique, et qu’en plus, les personnages principaux valident cet acte, là, je dis stop.

Problème de consentement

Premier problème majeur dans le roman incriminé dont je tairais le nom : le consentement.

Il n’est pas du tout explicite. La femme de l’histoire va subir les actes (que ce soit avec son mari, avec une autre femme, à trois et même plus, chaque fois, elle est ultra gênée et ne dit rien), mais ce n’est pas grave, parce qu’après, ben, elle a aimé, alors elle a bien fait de se laisser faire, ça passe !

Heu… Non.

Le consentement, c’est la base. Même pour un bisou. On ne vole pas un baiser. On ne met pas la main au panier sans accord.

Un non n’est pas un peut-être. Un non n’indique pas qu’il faut insister. Un silence n’est pas un oui. On ne peut pas valider une personne qui force l’autre sous prétexte que, selon iel, ça va être super et que le regret serait de ne pas l’avoir fait.

Évidemment, si on sait que le personnage a envie, si ça se comprend, la question du consentement ne se pose pas. Mais quand le personnage ne sait pu où se foutre et que l’acte va quand même être fait, c’est non.

Moi, ça me dérange de lire ça et ça me coupe l’envie.

C’est bien pour ça que je mets un point d’orgue à montrer le consentement dans chacun de mes écrits.

Crédit : La moustache de la dame

Problème avec un viol

On peut parler de viol dans un roman. Mais il faut dénoncer, il faut bien montrer que ce n’est pas un acte consenti, on ne doit pas pardonner le violeur. La victime ne peut pas trouver des circonstances atténuantes à son agresseur.

Et c’est là que se pose le second problème majeur de l’histoire incriminée. C’est aussi là que j’ai coupé court à ma lecture. Trop, c’en était trop. C’était sur le point de me traumatiser (je pâlissais au fur et à mesure). Et je peux vous dire qu’il en faut beaucoup pour que ça m’arrive.

Déjà, des détails de la scène (OK, un peu, pour montrer la violence). Beaucoup de détails (mais pourquoi tout décrire comme ça ?). Trop de détails, étalés sur des pages et des pages (je n’en revenais pas). En quoi la violence physique et psychologique de cet acte est érotique ?

Le pire, c’est qu’après (parce que j’ai lu en diagonale pour voir comme était traité l’après), la femme avoue avoir aimé ça, et le mari, qui a tout vu, lui dit qu’il a aimé voir ça. Et ça se justifie sous couvert d’une envie cachée d’être dominée ou de dominer, qui remonte à des traumas dans l’enfance.

Mais… WTF ?!

Oui, le corps est bien fait, on peut mouiller en se faisant agressé.e… mais… et le trauma psychologique ?

J’ai trouvé ça aberrant, une honte, une offense à toutes les victimes. Comment peut-on oser mettre ça dans un roman qui se dit érotique et valider cet acte ?

« C’est pour l’intrigue, ça rajoute du poids à l’histoire »

Du coup, stop

Je n’ai pas poursuivi ma lecture. J’en avais déjà bien trop lu. Je me sentais mal.

C’était une première version de l’histoire, elle n’était pas encore publiée.

Je n’ai pas envie de lire la version auto-éditée, mais j’espère que l’auteur a fait des ajustements (je lui avais donné mon avis).

En tout cas, j’ai été faire ma curieuse, il reçoit des avis positifs.

Pourquoi pas.

Mais vraiment, ça me dépasse.

Oui, les scènes érotiques sont intéressantes, les mises en situation permettent d’élargir ses horizons, on s’ouvre au libertinage, ça pourrait donner des idées et éveiller le désir, mais… le consentement, bordel !

Moi, ça m’a refroidi (tout le contraire de ce que doit faire ce genre de bouquins).

« K, certain·e·s peuvent sans aucun doute prendre de la distance. Après tout, on a été baigné dans la masculinité toxique qu’on nous a forcé à intégrer (aux femmes comme aux hommes) comme une norme depuis des années au travers de moyens subtils (livres, séries, films, publicités, etc.). Notre perception a toujours été biaisée et peut parfois nous laisser croire qu’un comportement est acceptable. Comme le fait de se laisser faire par un homme alors qu’on n’en a pas spécialement envie.

Crédit : La moustache de la dame

Moi-même, quand j’écris, ça vient occasionnellement naturellement. Oui, il peut arriver que mes personnages aient un comportement toxique. Seulement, je ne le constate pas tout de suite.

Et c’est ça, le pire. C’est que naturellement, je valide des comportements qui n’ont pas à être la norme. Comme quoi, à force de matraquage, on peut nous matricer le cerveau pour nous faire penser comme on veut.

Alors, aujourd’hui, j’y fais beaucoup plus attention. Il y a des livres/séries/films que j’aimais avant et que je vois d’un autre œil. Des scènes qui, avant, ne m’auraient pas posé un problème, que j’aurais même appréciées, désormais, j’ai beaucoup plus de mal.

Je ne veux pas de ce modèle pour ma fille.

Et vous ?

Article rédigé par Cara.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Litt%C3%A9rature_%C3%A9rotique
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sous-genres_de_la_romance

L'incarnation du magazine, avec sa propre personnalité, ses propres aventures et ses propres récits. Il est libre, ouvert et souvent incorrect. Derrière lui se cache tout.e.s les rédactr.ices.eurs qui ne veulent pas donner leurs identités lors de certaines histoires. Il est la liberté d'être ce qu'on veut à jamais : Épanoui et en train de manger des pâtes !

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