À quoi ressemble un col de l’utérus ? Comment peut-on l’observer ?
Ces questions peuvent sembler très simples mais pourtant, on ne sait pas toujours exactement comment y répondre. Cette problématique est centrale dans le travail d’Annie Sprinkle. De son véritable nom Ellen F. Steinberg, cette artiste et sexologue américaine a été pendant une vingtaine d’années travailleuse du sexe et actrice pornographique avant de se reconvertir. Elle explore depuis la sexualité avec passion à travers l’écriture de livres, l’enseignement, la création d’œuvres et de performances ou même de films féministes.
Dans sa performance intitulée A Public Cervix Announcement , réalisée en 1990 – et reproduite par la suite -, l’artiste se tient couchée sur un fauteuil.
Elle écarte ses cuisses, dévoilant son sexe, tout en expliquant au public le fonctionnement du vagin, de l’utérus et de son col.
À l’aide d’un spéculum préalablement inséré dans son vagin afin d’en écarter les parois, elle demande à chacun·e, si il ou elle le souhaite, de venir observer son col de l’utérus grâce à une petite lampe. Selon elle, le col de l’utérus est une :
“si belle création, mais la plupart des gens vivent toute leur vie et passent à côté de la chance d’en voir un. Au fil des années, j’ai donné à des milliers de personnes cette rare opportunité”.
Malgré l’utilisation d’un outil médical, le spéculum, cette performance et ce geste, n’ont rien de médical. Il ne s’agit pas ici d’ausculter un col de l’utérus pour s’assurer de sa bonne santé, mais plutôt de curiosité, de découverte, d’éducation et d’apprentissage. Bon nombre des spectateurs et spectatrices n’avaient auparavant jamais vu un corps, un sexe sous cet angle, dans son intimité la plus profonde. De plus, cet acte est public, et cette partie de l’anatomie n’est habituellement même pas montrée dans le domaine privé, ce geste s’effectue presque exclusivement dans le cadre médical.
Annie Sprinkle met donc ici à disposition quelque chose de rare.
Cette performance se veut rassurante pour tout le monde, quel que soit leur genre. Bien qu’elle fut réalisée pour la première fois il y a plus de trente ans, ce geste et les problématiques qu’il vient soulever sont encore bien actuelles. Il demeure encore aujourd’hui une grande ignorance autour de l’anatomie féminine. Le message d’Annie Sprinkle se veut donc ici profondément bienveillant et rassurant, pour faire comprendre qu’il n’y a pas à avoir peur ou honte de cette partie du corps et luttant ainsi contre la désinformation et la méconnaissance de l’appareil génital.
En se plaçant de cette manière, Annie Sprinkle n’est plus uniquement l’objet du regard, comme le corps de la femme l’est souvent dans le porno mainstream et dans la société en général, mais elle devient véritablement sujet.
Elle est ici maîtresse de son corps.
Cette repossession s’inscrit dans la continuité des mouvements “sex-positive” et “self-help” qui tentent de provoquer un changement dans les attitudes, les normes autour de la sexualité en nous invitant à nous auto-découvrir. Proposant une approche plus instinctive, basée sur l’expérience et le ressenti du corps, les discours y sont plus ouverts et bienveillants. En apprenant à s’examiner, s’observer, s’écouter et donc prendre en main leur vie sexuelle, les femmes passent ainsi d’une position passive, d’examinée, à d’examinatrice. Annie Sprinkle invite donc chacun·e à faire de même.
Elise Kobler
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