Gaya Ness, Drag et créature de la nature

Pouvez-vous vous présentez aux personnes qui ne vous connaissent pas ? 

GA : « Inès de mon prénom et ness pour les intimes, j’ai 25 ans, je viens de Mulhouse à la base. Je suis venu.e à Strasbourg pour les études et donc j’ai découvert le drag récemment.

Mon personnage drag est gaya, c’est une créature sauvage de la terre, défenseur de la nature.

Je fais du drag queen, king et queer. Et je me promène toujours dans l’exploration et dans la déconstruction du genre. Je m’exprime un peu plus par la danse et par l’expression corporelle pour l’instant et j’espère que ça va évoluer. » 

Comment êtes vous venu à ce nom de drag spécifiquement ? 

GA : « Ça m’est venu lors de ma première scène avec lovelythelady et jusqu’au soir de la représentation, je n’avais pas de nom de drag. J’avais déjà cet esprit de créature de la nature et cette idée d’envoûtement et j’ai juste demandé à mon meilleur ami, qui a toujours de bonnes idées ; et il m’a dit que gaya m’irait bien et j’ai approuvé ! On s’est dit qu’on allait mettre un « y » sur gaya pour signifier que nous sommes seulement une petite copie de la déesse Gaïa. Et le « ness », c’est simplement l’abréviation de mon prénom.  »

Quand est ce que vous avez commencé le drag ? Comment avez vous découvert le drag ? 

GA : « C’était donc lovelythelady lors des débuts de la Péniche Drag challenge, puisque j’étais déjà ami avec le groupe, je leur ai montré mon intérêt pour le projet et pour le drag en général, ils m’ont donc demandé ce que je pourrais proposer. Je leur ai dit que j’aimerais bien participer, mais je ne savais pas trop encore quoi faire. C’est donc lovelythelady qui m’a initié et qui m’a montré tout ce qui était possible sur la scène comme le fait d’avoir un personnage scénique, pas forcément en drag, mais le drag était ce qui me paraissait le plus intéressant niveau exploration, déconstruction… Donc ma première scène était en septembre 2022.

Ma première « vraie » scène à moi-même était en 23 décembre 2022 et en plus, je suis né.e le 24 décembre donc l’anniversaire de gaya et d’Inès se rejoint, c’est assez symbolique pour moi.  » 

Qu’est ce qui vous as donné envie de faire cette activité ? 

GA : « L’envie de remonter sur une scène et voir le pouvoir de cet art que je trouve si complet. Comme je faisais de la danse étant plus jeune. J’avais complètement arrêté mais je trouvais déjà  que la scène donnait un pouvoir incroyable. J’ai seulement le mot « pouvoir » qui me vient en tête, le fait de pouvoir exprimer quelque chose que l’on n’aurait pas la force d’exprimer dans la vie de tous les jours. » 

Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de votre transition dans le monde du drag ? 

GA : « De se faire confiance, de croire en soi, c’est important. Et ce n’est pas toujours évident ; se donner les capacités et la chance d’y arriver. Comme souvent dans le drag c’est l’inconvénient financier qui rentre en compte. C’est génial de créer des costumes et des looks de A à Z mais ça coûte de l’argent et au début comme tu es un jeune artiste t’es pas forcément rémunéré. Donc il faut croire en soi et il ne faut rien lâcher. » 

Est ce que le drag est actuellement votre métier ? 

GA : « Malheureusement, non, je ne peux pas vivre du drag, mais j’aimerais énormément. Là, je devais travailler, mais ça s’est annulé. En tant qu’artiste, c’est très compliqué d’être rémunéré. Et puis même si tu fais autant de « gigs » ce qui veut dire des performances, c’est quand même très dur ici, je vis tout.e seul.e à Strasbourg et donc c’est assez compliqué de payer son loyer, il faut toujours avoir quelque chose d’autre à côté pour la sécurité financière et cette situation, c’est pour tout artiste. Quand t’essaies de vivre de ta passion, c’est très compliqué. Il faut y croire et ne rien lâcher ! »

Quel a été votre ressenti lors de votre première fois en drag ? 

GA : « Un pur plaisir de capter le public en leur racontant une histoire. Et il y a également un sentiment de liberté de pouvoir être qui on veut. »

Quelle est votre définition du drag et que cela représente pour vous ? 

GA : « Pour moi le drag est une expansion de soi-même. Cela me permet d’oser et d’être un ou plusieurs personnages qui sont en moi mais qui n’ont jamais pu prendre vie. Je prends un peu le drag comme une thérapie, je trouve que ça a des bienfaits thérapeutiques de pouvoir exprimer des choses que tu n’as pas forcement la force d’exprimer en tant que simple humain. Après, il y a aussi le fait de pouvoir porter des messages que tu veux et d’avoir cette voix, cette opportunité de se faire entendre et ça, je trouve que c’est une bonne partie du drag. »

Vous avez participé à un Drag Challenge, comment l’avez-vous vécu ?

GA : « J’ai découvert des personnes incroyables et de voir que chaque personne a son propre univers qui est incomparable à d’autres, tu te dis que les gens sont incroyables et sont très beaux ! Après, je l’ai pris un peu comme un petit challenge personnel, pas forcément de challenger avec les autres, mais de voir ce que je suis capable, et de voir si je peux créer une performance de A à Z et j’ai adoré faire ça. Je n’avais pas tant conscience de l’impact et du message que je pouvais porter, je ne pensais pas pouvoir toucher les gens à ce point-là et cela m’est vraiment revenu en tête.

 Je ne me rendais pas compte de l’importance du message que les nous, les drags, pouvaient porter.

J’avais fait une première performance avec des bois de cerfs dans une idée de défenseur de la nature, et après ma performance une personne est venue me voir pour me dire qu’elle allait dorénavant trier ses déchets et être plus respectueuse de l’environnement. Le public, et même les drags ont eu cette prise de conscience écologique dans leur tête et je n’y avais absolument pas pensé ! Tu te rends compte qu’il faut faire super attention à ce que tu veux véhiculer comme message notamment sur scène. Dans mon drag, j’aime éveiller la conscience de l’importance de notre terre, rappeler aux personnes d’où l’on vient, où est ce qu’on est, d’où on vit… Après, je ne vais pas dire qu’on met tel ou tel déchet dans la poubelle jaune ou verte, mais je veux simplement rendre compte de la beauté et de la puissance de notre terre qui est incroyable. »

Est ce que vous créez et confectionnez vos looks (perruques, tenues, accessoires, maquillages, ongles) de A à Z ? 

GA : « Ça va dépendre de la performance, il y en a où je crée le costume de A à Z avec mon meilleur ami qui a trouvé mon nom de drag, pour les perruques, ce sont souvent des perruques que je récupère et que je coiffe moi-même, le maquillage, c’est moi aussi. Si j’ai des performances de drag king, je vais souvent porter des chemises et je n’ai pas les compétences pour créer une chemise même si j’aimerai bien, ça va donc être plus de l’association de vêtements chinés, c’est souvent des vêtements que je vais prendre sur Vinted ou dans les friperies, je trouve des pièces un peu incroyables des fois.

Donc soit ça va être de la création de A à Z soit de l’association, mais c’est quand même des tenues que je récupère sur un cintre et c’est complet. Ça dépend aussi du temps que tu as, par exemple mon tout premier costume, on a mis plus d’un mois à le faire, on se voyait à peu près tous les week-ends comme je travaillais ; on y est allés tranquillement sur la confection, mais en soit, je pense que ça représente 2 semaines de travail et ça peut compter encore. Ce que j’ai fait est assez simple, mais par exemple, il y a des drags queens comme « chiennedecirque » qui a fabriqué un justaucorps avec des strass et ça, c’est un travail qui dure un nombre incalculable d’heures. Pour mes tenues, je pourrais faire plus, mais pour l’instant cela me convient très bien. »

Combien de temps vous faut-il pour trouver l’inspiration de la tenue, la confectionner et créer un cadre autour de celle-ci ? 

GA : «Je fonctionne beaucoup avec la musique. Si la musique me parle dans le sens où si mon cœur bat à 1 000 % en écoutant cette musique sur scène c’est que c’est ça et qu’il faut que j’y aille. Je vais partir de la musique et de l’univers que je peux créer autour et après je vais imaginer ma tenue autour de ça. Donc pour la création, comme mon tout premier show, il me faudra un mois avant qu’il soit sortable comme une semaine si j’ai vraiment une idée qui me vient tout de suite. Par exemple, ma première performance king qui s’intitule « Monsieur,Madame » était une performance que j’avais besoin d’exprimer rapidement et qui s’est faite très vite aussi, j’ai mis une chemise, un béret, un legging et on est bon. Bien sûr, ça va dépendre de la performance, il faut savoir s’adapter aussi. »

Comment définiriez vous votre univers ? 

GA : «Mon univers est très nature, terrestre. Je veux montrer la beauté et l’importance de notre terre-mère. J’aime également amener le côté de déconstruction et d’exploration du genre qui me tient un peu plus personnellement à cœur. Et le drag est une plateforme incroyable pour tout ce qui sonne dans ces thématiques d’exploration. J’aime lier tout cela et gaya est une créature et n’a pas forcément de genre. Donc je me permets d’explorer ce côté-là.

Pour les performances, j’ai des personnages qui sont totalement queers, des personnages kings ou encore queens ; ce sont un peu tous les personnages qui sont dans ma tête et ça m’aide beaucoup pour jouer avec eux et pour les montrer.

Pour mon tout premier show, je représentais une créature, je n’avais même pas de nombril, j’avais le crâne rasé, j’étais juste « humain » et après j’ai exploré le côté masculin en me mettant en drag king et la fois d’après j’ai exploré le féminin donc je suis passé par toutes les facettes de l’humain et ça m’a vraiment fait du bien de pouvoir explorer mon féminin et mon masculin de toutes les façons.  »

Quelles sont vos différentes inspirations pour vos looks et pour la personnalité de votre drag ? Quel est votre signe distinctif dans vos créations ? 

GA : « J’ai envie de répondre moi-même ! Mais sinon j’ai eu l’honneur d’échanger quelques mots avec Soa de Muse (drag queen / queer qui a participé à la saison 1 de « Drag Race France ») au Meeting Greet à Nancy et cette personne a eu un impact très important sur moi. Cette personne n’a pas de genre du moins son genre n’est pas ce qui définit cette personne et je lui ai parlé en lui exprimant toute mon admiration envers iel et je lui ai expliqué que j’aimerais me lancer dans le drag et qu’iel m’a montré une version queer du drag autrement que drag queen ou king. Soa de Muse m’a dit de ne pas attendre d’avoir quelqu’un qui fasse quelque chose pour ensuite le reproduire, et c’est pour ça qu’iel s’appelle Soa de Muse, car il faut être sa propre muse et c’est comme ça que tu vas t’amuser dans le drag, donc il y a vraiment ce côté exploration que j’adore. Après ça va être les créatures de la terre, tout ce qui se rapproche des croyances féeriques et mystiques, tous ces personnages légendaires, mythologiques comme les elfes, les fées… »

Soa de Muse

 

Où pouvons-nous vous voir en représentation artistique / spectacle ? Et que proposez vous comme pratique artistique ? 

GA : «  Je pense qu’à la rentrée, je vais peut-être retourner à la Péniche Mécanique quelques fois, et j’aimerais également faire des performances avec les « Kings D’oré.e.s » j’étais déjà bénévole chez eux donc ça me plairait de continuer. Les « Kings D’Oré.e.s », c’est une initiative d’ « Elixir » le papa des « King’s D’oré.e.s » qui a été créé avec le.la drag king,queer « marquisdegrognasse » et le.la drag king « sainteugèneking ». Iels ont donc créer les « King’s D’oré.e.s » qui est une scène principalement king, iels faisaient des ateliers maquillages, de l’initiation au spectacle…

J’avais fait un atelier avec le.la drag queen et king « marlenewaxhouse » qui parlait de drag et qui initiait la prestance sur scène, iel expliquait comment jouer le personnage que l’on va incarner, et aussi l’apprentissage de la technique par rapport aux chansons pour ajuster le son selon la salle, la lumière aussi donc c’était comme un coaching de drag. Et iels organisent également des événements, des shows… Dernièrement, on a organisé un goûter drag et il y avait un show drag à 16 h et on s’est bien amusés, l’ambiance est super, on a l’impression d’être en colonies de vacances entres copains ! 

Après, si on veut de moi, je viendrai tout de suite, car toute proposition est intéressante, mais je sais qu’il faudrait que je me booste un peu plus et que je contacte d’autres salles.

Comme pratiques artistiques, je dirais de la danse. J’aimerais aussi me lancer dans le chant, mais on verra encore. Et puis j’adore l’humour aussi donc pourquoi pas ajouter un côté plus théâtral à mes performances, j’aimerais bien faire des duos aussi, c’est en cours actuellement. 

J’ai commencé à danser avant l’âge de 3 ans, mon frère faisait de la danse classique et j’avais envie d’aller avec lui en cours. J’ai commencé par la danse classique et j’ai arrêté à 12-13 ans ; J’ai continué avec de la danse moderne-jazz, j’ai fait de la danse africaine, de la danse de salon, du hip-hop. J’ai un peu touché à tout. Et malheureusement quand je suis rentré.e à Strasbourg pour les études supérieures, mes parents ne payaient plus les cours de danse et devoir alterner entre cours de danse et études, c’était un peu compliqué. Mais j’ai jamais arrêté de danser chez moi et de danser pour mon bien-être personnel. J’ai arrêté pendant 2-3 ans et j’ai retrouvé la danse après et quelque temps après je me suis lancé.e dans le drag donc cela signifiait que j’avais toujours envie de m’exprimer de cette manière-là. Le drag a permis d’être une extension de ma passion pour la danse, étant plus jeune, la danse était mon univers et mon moyen d’expression au lieu de communiquer verbalement. »

Souhaitez-vous porter un message à travers votre activité ? 

GA : « D’éveiller nos consciences à la nature tout simplement. D’être qui on a envie d’être même si cela ne plaît pas à tout le monde. On s’en fiche, si t’as envie de faire quelque chose, juste fais-le en tout bien tout honneur si cela n’est pas pour blesser autrui bien sûr. » 

Avez vous un message à adresser aux personnes qui souhaitent se lancer dans le drag / dans une activité artistique ? 

GA : « Que si vous avez une seule envie d’explorer et de tester, il faut foncer. Ne vous freinez pas parce que cela ne rentre pas dans telles ou telles cases. Les étiquettes et les cases ça suffit, on n’en a pas besoin. Si tu sens que c’est fait pour toi, si ça te fait du bien, n’hésites pas et fonce, entraîne-toi. Je dis toujours que ta première performance ça va toujours être un brouillon donc fonce et surtout amuse-toi. Le drag et l’art, c’est une exorcisation pour toi, laisse toi porter et vivre comme tu le souhaites.» 

Article rédigé par Salch Romane

L'incarnation du magazine, avec sa propre personnalité, ses propres aventures et ses propres récits. Il est libre, ouvert et souvent incorrect. Derrière lui se cache tout.e.s les rédactr.ices.eurs qui ne veulent pas donner leurs identités lors de certaines histoires. Il est la liberté d'être ce qu'on veut à jamais : Épanoui et en train de manger des pâtes !

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