La libération sexuelle par la parole s’installe depuis quelques années, je pense notamment à Metoo, en est-il de même pour le plaisir ?
« Prends-moi comme une chienne … »
Combien sommes-nous à oser dire ce qui nous passe par la tête lors de nos relations sexuelles ? Lorsque je réfléchis aux termes que j’ai eu l’habitude d’employer ou d’entendre pour désigner le sexe ou les parties intimes, j’ai l’impression qu’il y a surtout des noms ridicules ou mignons « nénétte », « zézette », « teub », « zizi », « chatte », « faire l’amour » comme si nous voulions créer une distance, se détacher.
Dans un tel environnement, comment briser les tabous, encore trop présents, autour du sexe ? Combien somme-nous à parler de sexe avec nos ami.e.s, à débriefer après l’acte, à parler pendant, à véritablement communiquer, mettre les mots sans tabous ?
Quand je pense aux mots « mignons » cela me ramène à une époque lointaine, comme le collège. Finalement, est-ce vraiment étonnant que des adolescents, qui apprennent encore à se connaître / qui se cherchent, et se retrouvent dans des cours d’éducation sexuelle orientés uniquement sur un aspect biologique, aient comme réflexe d’utiliser de tels termes ?
Et, si le plaisir était abordé durant ces cours ?
Est-ce que cela ne participerait pas à développer sa curiosité, à chercher à se découvrir, expérimenter et donc partager plus facilement ce qui nous fait plaisir ou non avec son / sa partenaire ? Ne plus avoir comme frein la peur du jugement, la peur du ridicule ?
Plusieurs rapports sur le sujet sont révélateurs du manque d’éducation sur ce point, le Rapport relatif à l’éducation à la sexualité : répondre aux attentes des jeunes, construire une société d’égalité femmes-hommes relève notamment :
» Les jeunes, et en particulier les filles, méconnaissent leur corps, et le plaisir féminin reste tabou : 84 % des filles de 13 ans ne savent pas comment représenter leur sexe, alors qu’elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin, et une fille de 15 ans sur quatre ne sait pas qu’elle a un clitoris ».
Le rapport énonce les conséquences qui découlent directement de cette méconnaissance pour les jeunes filles :
« difficultés pour appréhender son corps ou le corps de sa partenaire, difficultés pour se donner ou donner du plaisir, difficultés pour résoudre des problèmes de santé concernant les parties génitales, etc. Par exemple, la première masturbation survient plus tardivement pour les femmes et moins fréquemment que les hommes »
Et, tout cela débouche sur un manque de confiance plus important chez les jeunes filles que chez les garçons. Le rapport de 2023 sur l’état du sexisme en France vient d’ailleurs renforcer ce constat.
De la même façon, la manière d’aborder le sujet lors des cours d’éducation sexuelle pourrait sensibiliser au plaisir de l’autre. Si je réfléchis à mes expériences, et aux retours de mes proches sur le sujet, je me demande combien d’hommes se préoccupent de savoir si leurs partenaires ressentent du plaisir ? Et combien de femmes donneront la priorité à l’orgasme de leur partenaire avant le leur ? (9 femmes sur 10 avouent avoir simulé un orgasme, 11% des sondées simulent à chaque fois; 1/3 des hommes ont déjà simulé. La principale raison de cette simulation chez les femmes est de mettre à l’aise leur partenaire alors que chez les hommes la recherche du plaisir personnel est primordial, comme un dû (71% vont chercher à augmenter leur propre excitation avant celle de l’autre à écouter ici ).
Il est ici possible de faire le lien avec un de nos anciens articles dans lequel nous évoquions la nécessité de déconstruire l’idée d’un rapport focalisé uniquement sur la pénétration.
L’absence d’éducation au plaisir, l’idée de la pénétration comme unique moyen d’atteindre l’orgasme (dès que le pas de la chambre à coucher est passé, nous entrons dans la peau d’un personnage, suivant le script du film à la ligne : faire du bruit, s’agiter, agripper, tout dans le but d’arriver à la pénétration, atteindre l’orgasme masculin dans la majorité des cas et rideau) poussent souvent les (jeunes) femmes à se remettre en question en se demandant ce qui ne va pas chez elles. Alors que la réponse est : absolument rien du tout.
Eh oui, finalement, on recherche le plaisir, l’orgasme en se focalisant dans la majorité des cas sur ce qui a été prouvé comme fonctionnant le moins bien. (1 femme sur 4 n’a pas joui lors de son dernier rapport).
Dans un épisode très intéressant des Couilles sur la Table (épisode « Pénétrer ») Victoire Tuaillon nous donne à réfléchir à l’avantage que cela aurait également pour les hommes, le fait de ne plus réfléchir en termes de performance (durée, taille etc.) mais surtout au fait encore une fois de découvrir son corps et prendre du plaisir autrement. Son invité, Martin Page le mentionne dans son essai (« Au-delà de la pénétration ») « l’infini plaisir qu’il a à recevoir des caresses sur sa nuque ».
Il ne s’agit pas ici d’exclure la pénétration qui peut participer à procurer du plaisir, mais plutôt à la repenser, la faire devenir accessoire à un tout que l’on aurait imaginé ensemble.
Alors, pourquoi ne pas commencer par interroger notre propre désir et essayer de le verbaliser ou du moins le manifester ? Non, ce n’est ni évident ni facile, que ce soit quand on ne connaît pas la personne, par peur du jugement par exemple, ou que ce soit dans une relation déjà bien établie, car nous sommes installés dans une routine et ne savons pas comment en sortir ou comment aborder la question. Nous luttons entre les stéréotypes, les diktats sociaux et nos idéaux, parfois notre corps ne suit pas nos idées malgré tous nos efforts.
Les premiers pas se feront à tâtons: lire, regarder, échanger, commencer par le langage du corps, déplacer une main, changer de position, signifier par notre corps, notre respiration lorsque quelque chose nous plaît et nous fait du bien.
Troquer petit à petit les automatismes contre l’écoute de l’autre, l’empathie et petit à petit élargir le champ des possibles.
Article rédigé par Natalia.
Pour aller plus loin
Climax https://climax.how/?ref=gg_fr_brand&gclid=EAIaIQobChMInszC97yc_QIVA4xoCR0w0AIAEAAYASAAEgKo0vD_BwE
Maia mazaurette – « Le sexe selon Maia »; « Sortir du trou »;
Camille Emmanuelle – « Sexpowerment »
Sarah Barmack – « Jouir »
Diane Ducret – « La Chair interdite »
Pour les fans du 9em art: Jean Louis Tripp « Extase »; Fabien Vehlmann (Auteur), Chloé Cruchaudet (Dessinateur) – L’herbier sauvage »
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