Aujourd’hui, je suis très en colère.
Je suis en colère contre la société, contre les religions, contre les fausses croyances et surtout contre le manque d’éducation sexuelle et relationnelle.
Je suis en colère parce que comme moi, des milliers de personnes se retrouvent complétement perdues et blessées.
Parce que nous sommes obligés de faire un énorme travail de déconstruction pour ne plus être discriminant sur tant de choses. Alors qu’être bienveillant devrait être le résultat de la construction et non pas de la déconstruction.
Je suis en colère parce que je suis une femme Cis et que je me sens obligée de signifier “Oui, je suis en colère. Mais non, je n’ai pas mes règles.” Parce qu’on en est encore à l’étape “Je dois éduquer les hommes Cis au fait que les femmes ont des émotions et des idées sans une quelconque influence de la part de leurs cycles menstruels.”
Je suis en colère contre le patriarcat qui a rendu normal la soumission des femmes dans tous les domaines.
Dans mon travail, je dois me donner 10x plus qu’un homme juste pour prouver que je suis légitime à être ici. Dans mon lit, j’ai dû attendre 25 ans pour me rendre compte que l’on n’avait pas le droit de m’imposer quoi que ce soit et que ma place n’était pas d’accepter ce que je ne voulais pas. Parce que jusque-là, on m’avait appris que ma valeur dépendait uniquement du désir des hommes.
Je suis en colère contre la société qui a trouvé ça normal de créer un cinéma entier sur l’idée qu’il est essentiel de “Trouver le.a bon.ne”. Et que tant que cela ne serait pas le cas, nous ne serions pas complets.
Parce qu’avec ces conneries de monogamie qui serait LE format de relation valorisant et valorisé, on se retrouve avec des troubles psychologiques grave pour un développement sain.
À cause de cette invention, il est inscrit dans mon ADN le besoin d’être l’élue et donc de me sentir en compétition et/ou en danger avec toutes les femmes autour de moi.
“Elle a plus d’argent que moi. Elle est plus belle que moi. Je dois être trop grosse ou pas assez drôle. Elle regarde ce que j’ai, elle est un danger. Elle rit, elle se moque ? Je n’ai pas fait assez d’études. Je n’ai pas la même élégance.”
Le besoin d’être l’élue crée, évidemment, des complexes physiques, intellectuels et de valeurs. Et je peux vous dire que travailler dessus est long, pénible et difficile. Même si cela est nécessaire. Pourquoi ne nous a-t-on pas appris à apprécier la différence et à vouloir la partager ? J’aimerais tant ne pas envier en permanence et ne pas jalouser les autres femmes. Parce que c’est destructeur, pour moi et pour tous.tes.
J’ai remarqué que je disais souvent quelque chose sous le ton de l’humour :
“Tu vois cette fille ? C’est le genre de fille hyper belle, méga intelligente, très drôle, avec une culture à toute épreuve et qui est en plus est tellement gentille ! Exactement la meuf qu’on déteste ! aha !”
Aha … Vous vous rendez compte à quel point c’est problématique ? On a appris à haïr profondément les personnes que l’on devrait admirer et côtoyer. Parce qu’on a appris de ne jamais s’estimer. Parce qu’on a appris à nous comparer aux autres et jamais à soi.
Bravo, ça a flingué la plupart de mes amitiés féminines.
“Elle va me le voler.”
En plus de se rabaisser soi-même et de perdre toute confiance, on commence à se protéger d’un danger potentiel. Si on se protège, c’est que l’on a peur. Si l’on a peur, c’est qu’on ne veut pas perdre quelque chose. Et si on ne veut pas perdre quelque chose, c’est que cette chose nous appartient.
Et BIM BAM BOUM nous voilà dans la possession de l’être aimé. Un de pire fléau de notre époque.
Je suis en colère parce que je sais rationnellement que l’autre ne m’appartient pas et qu’il est libre. Mais émotionnellement, je ne veux pas le partager. Oui, l’être aimé est merveilleux, gentil et fascinant. Mais il est à moi. Et si son attention ne m’est pas complétement dédiée, je hurle à la trahison.
Parce que c’est ce qu’on m’a appris.
Mais c’est faux. J’aurais adoré que l’on m’apprenne que l’amour se partage et se multiplie. Cela aurait incroyable de grandir avec l’idée qu’il n’y a pas d’échecs dans la vie amoureuse, seulement des débuts et des fins. Et que tout ça, c’est ok.
“On est plus ensemble, ça n’a pas fonctionné.”
Si seulement, on nous avait appris à gérer la fin, le deuil, la séparation. Une relation qui s’arrête n’est que la fin d’une période qui a été belle et qui ne l’est plus. Ce n’est pas un échec. Et pourtant. “T’inquiètes, t’en trouvera un autre !” Bien sur les gens sont interchangeables. C’est ce qu’on m’a appris. Pas à honorer et remercier les moments partagés, mais à tourner la page et à me remettre en selle rapidement.
Je suis en colère parce qu’aujourd’hui je me sens complétement brisée. Parce que j’ai peur quand mon mec va voir, pour n’importe quelle raison, une autre femme. Je panique quand on me signifie que je pourrais améliorer quelque chose chez moi. J’angoisse dès que mon mec ou même ma pote me dit qu’il/elle a rencontré une super nana à la dernière soirée où je n’étais pas. Je déprime quand je suis sur les réseaux et que je ne m’y retrouve pas physiquement. Je fais des cauchemars que personne ne veuille m’épouser alors que le mariage ne m’intéresse même pas. Ou encore je suffoque quand je vois que mes proches ont des vies en dehors de moi. Je me rabaisse dès que l’on me fait une critique. J’épuise mes proches à leur demander en permanence “pourquoi tu m’aimes ?”.
Et surtout, je culpabilise de ressentir tout ça. Parce que je sais que c’est malsain.
Je suis coincée entre ce que je veux et ce que je ressens. J’ai le souhait de me déconstruire de ces faux mythes, mais je n’en ressens pas toujours la force.
J’ai la haine et je suis fatiguée.
Je vais prendre du temps pour guérir mes blessures, mes failles, mes doutes. Mais surtout, je vais éduquer les futures générations pour qu’elles ne grandissent pas comme moi, comme nous.
Soyons uni.e.s et plein.e.s d’amour pour soi et pour les autres. Guérissons ensemble des peines que l’on nous a infligées pour de fausses croyances. Et agissons. Pour apprendre à nos enfants à choisir leurs propres codes et à respecter ceux des autres.